Développeurs écolos!

Depuis quelques années, la notion de GreenIT envahi l'univers des systèmes d'informations, en particulier au niveau matériel : composants de moins en moins énergivores, utilisation d'énergies renouvelables pour le refroidissement des machines...

Mais il est également possible de faire un geste pour la planète en tant que développeur, cela s'appelle l'éco-conception logicielle.

L'idée de départ de ce concept peut être représentée par le paradoxe de Jevons :

(...) à mesure que les améliorations technologiques augmentent l'efficacité avec laquelle une ressource est employée, la consommation totale de cette ressource peut augmenter au lieu de diminuer.

Autrement connu en économie sous le nom d' "effet rebond" :

(...) augmentation de consommation liée à la réduction des limites à l’utilisation d’une technologie.

Prenons un exemple : l'apparition des écrans LCD. Au tout début, le passage des écrans à tube cathodique vers la technologie à cristaux liquides devait générer d’importantes économies d’énergie car, à diagonale identique, un écran LCD consomme de 2 à 3 fois moins d’énergie qu’un écran CRT. Or, l'augmentation exponentielle du nombre d'écrans LCD utilisés a finalement engendré une consommation globale plus importante. De plus, la fabrication d'un écran LCD entraine une production de gaz à effet de serre 2 fois plus importante que celle d'un CRT. Et les exemples sont innombrables.

Dans cette idée, de plus en plus d'organisations pointent du doigt la surconsommation des logiciels, n'hésitant pas à qualifier d' "obésiciels" (bloated software) ou de "gras numérique" le surplus de code embarqué par les applications modernes.

Même les plus hautes instances réfléchissent à ce sujet : en 2011, la WWF a publié un rapport intitulé "Guide pour un système d'information éco-responsable", dans lequel il pointe le constat suivant :

Si on prend l’exemple de Microsoft, chaque nouvelle version du couple Windows – Office nécessite 2 fois plus de ressources que la précédente.
En d’autres termes, la puissance nécessaire pour écrire un texte double tous les deux ans. Si bien qu’il faut 70 fois plus de mémoire vive sous Windows 7 – Office 2010 pour écrire le même texte que sous Windows 98 – Office 97 !
On imagine mal devoir utiliser une voiture 70 fois plus puissante qu’il y a 12 ans pour parcourir le même nombre de kilomètres, à la même vitesse.

Ainsi, de plus en plus de grandes entreprises se lancent dans la course au logiciel vert : Facebook a par exemple économisé des centaines de millions de dollars en investissant quelques centaines de "jours.homme" dans le développement d’un compilateur PHP vers C++ : "HHVM" a permis au réseau social de diviser par 2 le nombre de serveurs nécessaires à la génération des milliards de pages servies chaque mois. Facebook a ainsi évité la construction d’un nouveau data center et récupéré près de 50 % de la capacité de ses data centers existants ! Sans compter une facture électrique divisée par 2 et des émissions de gaz à effet de serre réduites d’autant. On peut encore trouver des exemples similaires chez IBM ou LinkedIn.

Bien sûr, il y a aussi des contre-exemples d'entreprises peu consciencieuses de ces considérations : Greenpeace à son tour dénonce, dans ce rapport de 2012, le manque de transparence de Twitter, affublée de "lanterne rouge" de l'industrie, ne fournissant aucune information sur son empreinte énergétique. De même, Amazon est accusée de continuer à agrandir son infrastructure dont l' "alimentation électrique ne dépend d'aucune énergie renouvelable, et repose uniquement sur le charbon, le gaz et le nucléaire".

Il est également intéressant de noter que ce rapport indique que dès 2005, la consommation électrique du "cloud computing" dépassait déjà celle de certains grands pays :

Mais venons-en à l'essentiel : peut-on développer des logiciels "verts"? Et comment?

Au vu des éléments précédents, la première réponse serait : avec des logiciels "simples"! En effet, en se contentant d'effectuer les calculs et traitements strictement nécessaires, un logiciel pourrait réduire son impact sur la consommation d'énergie. Mais la loi de Moore (qui veut que la puissance des PC double tous les ans) ajoutée au paradoxe de Jevons nous a permis de produire des logiciels de plus en plus complexes (frameworks, surcouches...), sans tenir compte de l'impact de l'exécution de ce code "superficiel".

Autre exemple "anti-écolo" : on souhaite mettre en place un algorithme, selon deux méthodes :

  • La première sera développée en 1 mois et produira un algorithme s'exécutant en 1 minute
  • La seconde sera développée en 2 mois et produira un algorithme s'exécutant en 30 secondes

Que choisiriez-vous? Sûrement le plus rapide à développer... Qui sera pourtant le plus gourmand en ressources et donc le moins "vert" ! Cet exemple prouve que la réflexion d'éco-conception peut venir contrarier l'élaboration classique de logiciels.

Tout ceci pousse donc directement à l'adoption de nouveau matériel toujours plus puissant et accélère le renouvellement des parcs informatiques : la durée de vie moyenne d'un PC a été divisée par 3 en quelques années (généralement 3 ans au lieu de 10), jouant ainsi le jeu de la société de consommation. [Effet papillon :)]

Pour résumer, même s'il peut paraître quelques fois compliqué de conserver des considérations écologiques dans le cadre du développement d'un logiciel, ces réflexions peuvent permettre de produire du code simple, efficace et finalement bon pour la planète.

Sources :


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